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Aucune pensée, aucune émotion fantaisiste n’auraient pu provoquer un tel événement.



C’est arrivé soudain, à notre retour dans la chambre ; il était là, nous accueillant chaleureusement, ample, tellement inattendu. Nous ne faisions que passer, parlant de choses et d’autres de peu d’importance. L’accueil de cet « otherness* » fut un choc et une surprise ; il attendait dans la chambre, en une invite si franche que toute excuse aurait été futile. A plusieurs reprises, sur le pré communal, loin d’ici, à l’ombre de quelques arbres, il attendait au tournant du chemin que tant de gens empruntaient ; et l’on se tenait là étonné, près de ces arbres, totalement ouvert, vulnérable, sans voix, sans mouvement.

Ce n’était pas une fantaisie imaginaire ou la projection d’une illusion personnelle ; l’autre personne aussi l’a senti ; plusieurs fois présent, presque incroyable, en un grand accueil d’amour, il avait à chaque fois une qualité, une beauté, une austérité nouvelles. Et il en était encore ainsi dans cette chambre. Totalement neuf, inattendu, sa beauté laissait le corps et l’esprit sans mouvement ; pourtant l’esprit, le cerveau et le corps en devenaient intensément alertes, sensibles. Le corps se mettait à trembler et, après quelques minutes, cet « otherness » si bienveillant se retirait aussi vite qu’il était sans doute venu.

Aucune pensée, aucune émotion fantaisiste n’auraient pu provoquer un tel événement ; la pensée est de toute façon mesquine, le sentiment si fragile, trompeur ; l’une pas plus que l’autre, même dans leurs tentatives les plus folles, ne pourraient produire un tel événement. Trop grand, trop immense dans sa force et sa pureté pour la pensée ou le sentiment, ils n’a pas de racines, alors que ces derniers en ont. On ne peut l’inviter, le retenir ; la pensée-sentiment peut se livrer à toutes sortes d’habiles stratagèmes, mais non pas inventer ou contenir l’« otherness ». Il se suffit à lui-même, rien ne peut le toucher.

* : N’ayant pas d’équivalent en français, ce mot n’a volontairement pas été traduit. Par approximation, on pourrait le traduire par “état autre”, mais cela paraît inadéquat pour suggérer ce que Krishnamurti semble avoir mis dans le mot “otherness”. (N.D.T.)

J. Krishnamurti
Carnets
25 octobre à Rishi Valley (p.230-231)



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