L’orateur est tout à fait certain que les éducateurs sont conscients de ce qui se passe actuellement dans le monde. Les races, les religions, la politique, l’économie divisent les gens et cette division est une fragmentation. Elle provoque un chaos dans le monde : les guerres, toutes sortes de mensonges politiques, etc. Il y a une progression de la violence et de la lutte de l’homme contre l’homme. Voilà véritablement l’état de confusion du monde, de la société où nous vivons. Et cette société est créée par tous les êtres humains avec leurs cultures, leurs divisions linguistiques, leurs séparations régionales.
Tout cela engendre non seulement la confusion mais aussi la haine, beaucoup d’antagonisme et des différences linguistiques encore plus marquées. Voilà ce qui se passe et la responsabilité de l’éducateur est vraiment très grande. Il lui tient à cœur, dans toutes ces écoles, de créer un homme bon qui ait le sens de la relation universelle, qui ne soit pas nationaliste, régionaliste ou séparé, et qui dans le domaine religieux, ne soit pas accroché à de vieilles traditions mortes sans aucune valeur. Sa responsabilité en tant qu’éducateur devient de plus en plus sérieuse, de plus en plus engagée, de plus en plus investie dans l’éducation de ses élèves.
En fait, que fait l’éducation ? Aide-t-elle vraiment l’homme, aide-t-elle ses enfants à devenir de plus en plus concernés, plus gentils, plus généreux et à ne pas revenir aux anciens modèles, à la vieille laideur et méchanceté de ce monde ? S’il est vraiment concerné, comme il doit l’être, il doit aider l’élève à découvrir quelle est sa relation au monde, pas le monde de l’imagination ou de la sentimentalité romantique, mais le monde réel avec tout ce qui s’y passe. Quelle est aussi sa relation au monde de la nature, au désert, à la jungle ou aux quelques arbres qui l’entourent ainsi qu’aux animaux de la terre. Heureusement, les animaux ne sont pas nationalistes. Ils chassent uniquement pour survivre. Si l’éducateur et l’élève n’ont plus de relation avec la nature, avec les arbres, avec la mer houleuse, ils n’en auront sûrement pas avec l’homme.
Qu’est-ce que la nature ? Il y a beaucoup de discussions et de tentatives pour sauvegarder la nature, les animaux, les oiseaux, les baleines et les dauphins, pour nettoyer les rivières polluées, les lacs, les vertes prairies, etc. La nature n’est pas un produit de la pensée comme la religion ou les croyances. La nature, c’est le tigre, cet animal extraordinaire avec cette énergie et cette grande puissance qu’il dégage. La nature, c’est l’arbre solitaire dans le champ, les prairies et les bosquets, c’est cet écureuil qui se cache craintivement derrière une branche. La nature, c’est la fourmi et l’abeille et tout ce qui vit sur terre. La nature, c’est la rivière, pas une rivière en particulier comme le Gange, la Tamise ou le Mississipi. La nature, ce sont toutes ces montagnes couvertes de neige, avec des vallées d’un bleu profond et cette succession de collines qui rejoignent la mer.
L’univers fait partie de ce monde. Nous devons être sensibles à tout cela, ne pas détruire, ne pas tuer par plaisir ni abattre des animaux pour notre table. Il est vrai que nous tuons les choux, les légumes que nous mangeons, mais il faut bien établir une limite quelque part. Si vous ne mangez pas de légumes, comment vivrez-vous ? Il nous faut faire la part des choses intelligemment.
La nature fait partie de notre vie. Nous sommes issus de la graine et de la terre et nous faisons partie de tout cela mais nous oublions vite que nous sommes des animaux comme les autres. Pouvez-vous être sensible à cet arbre, le regarder, en voir la beauté, écouter le son qu’il produit, être sensible à la moindre petite plante, à la moindre mauvaise herbe, à cette vigne vierge qui monte le long du mur, aux jeux de lumière et d’ombre sur les feuille ? Il faut être conscient de tout cela et éprouver un sentiment de communion avec la nature qui nous entoure. Vous vivez peut-être dans une ville mais vous pouvez trouver des arbres ici et là. Une fleur, dans le jardin voisin, est peut-être négligée, étouffée par les mauvaises herbes, mais regardez-la. Sentez que vous faites partie de tout cela et de tout ce qui vit . Si vous maltraitez la nature, c’est vous-même que vous maltraitez.
L’orateur sait bien que tout cela a déjà été dit de différentes façons, mais apparemment, nous n’en faisons pas grand cas. Est-ce parce que nous sommes tellement prisonniers de notre propre réseau de problèmes, de désirs, de notre soif de plaisirs et de souffrances que nous ne regardons jamais autour de nous, que nous ne regardons jamais la lune ? Observez-la, observez avec tous vos yeux, vos oreilles, avec votre odorat.
Observez, regardez comme si vous le faisiez pour la première fois. Si vous pouvez le faire, alors c’est la première fois que vous voyez cet arbre, ce buisson, ce brin d’herbe. Alors, vous pouvez voir votre professeur, votre père, votre mère, votre frère et votre sœur pour la première fois. C’est là une sensation extraordinaire : l’émerveillement, la fraicheur, le miracle d’un nouveau matin qui n’a jamais existé auparavant et n’existera jamais plus.
Soyez vraiment en communion avec la nature, non pas prisonnier des mots qui la décrivent, mais faites partie d’elle, soyez conscients, sentez que vous appartenez à tout cela. Soyez capable d’avoir de l’amour pour tout cela, d’admirer une biche, le lézard sur le mur, cette branche brisée sur le sol. Regardez l’étoile du soir ou la nouvelle lune sans le mot, au lieu de dire : « Comme elle est belle ! », pour ensuite lui tourner le dos, attiré par autre chose mais observez cette étoile et cette nouvelle lune délicate comme si c’était la première fois.
S’il existe une telle communion entre vous et la nature, alors, vous pouvez communiquer avec l’homme, avec le garçon assis près de vous, avec votre professeur ou avec vos parents. Nous avons totalement perdu ce sens de la relation, d’une relation qui ne soit pas seulement faite d’une déclaration d’affection et de proximité mais qui contienne aussi ce sentiment de communion qui n’est pas exprimé par des mots. C’est le sentiment que nous sommes tous ensemble, que nous sommes tous des êtres humains, que nous ne sommes pas divisés, fragmentés, que nous n’appartenons à aucun groupe ni à aucune race en particulier, que nous n’adhérons à aucun idéal, mais que nous sommes tous des êtres humains et que nous vivons tous sur cette terre merveilleusement belle.
Vous est-il déjà arrivé de vous réveiller le matin et de regarder par la fenêtre ou de sortir sur la terrasse et de regarder les arbres et l’aube printanière ? Vivez avec elle, écoutez tous les sons, les chuchotements, la brise légère parmi les feuilles. Voyez la lumière sur cette feuille et regardez le soleil apparaître et illuminer la colline et la prairie. Cette rivière asséchée, cet animal qui broute, ces moutons sur la colline, observez-les. Regardez-les avec un sentiment d’affection, de responsabilité, avec le désir de ne rien abîmer. Quand vous avez une telle communion avec la nature, alors votre relation à autrui devient simple, claire, sans conflit.
C’est une des responsabilités de l’éducateur. Elle ne se limite pas à enseigner les mathématiques ou à se servir d’un ordinateur. Il est encore plus important d’être en communion avec d’autres êtres humains qui souffrent, luttent, connaissent une grande détresse ou les tourments de la pauvreté, et d’être en communion avec ces gens qui circulent dans une voiture luxueuse. Si tout ceci le concerne, l’éducateur aide l’élève à devenir sensible, sensible aux souffrances des autres, à leurs luttes, leurs angoisses, leurs tracas, ainsi qu’aux querelles familiales. C’est au professeur qu’il incombe d’apprendre aux enfants et aux étudiants à être ainsi en communion avec le monde. Le monde est peut-être trop vaste mais le monde est là où l’élève se trouve. C’est son monde à lui. Et cela engendre une considération et une affection naturelles pour les autres, une courtoisie et un comportement qui n’est pas dur, cruel ou vulgaire.
L’éducateur devrait parler de toutes ces choses. Pour que cela ne se limite pas à un échange verbal il doit lui-même le ressentir : le monde, le monde de la nature et le monde de l’homme. Ils sont étroitement liés. L’homme ne peut y échapper. Quand il détruit la nature, il se détruit lui-même. Quand il assassine quelqu’un d’autre, c’est lui-même qu’il assassine.
L’ennemi, ce n’est pas l’autre mais c’est vous-même. Vivre dans une belle harmonie avec la nature, avec le monde, engendre tout naturellement un monde différent.
Proposé par Daniel Paul sur le site : http:perspectives-gorziennes.fr