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Question sur le sens du mot coopération



Que veut dire le mot « coopération » ?

L’un des problèmes de base auquel le monde est confronté est celui de la coopération.

Que veut dire le mot « coopération » ? Coopérer, c’est faire des choses ensemble, les
construire ensemble, les ressentir ensemble, c’est avoir un objectif commun de manière à
pouvoir travailler ensemble librement.

Mais les gens sont généralement peu enclins à collaborer naturellement, facilement, avec
bonheur ; ils ne le font que contraints et forcés par divers modes de persuasion : la
menace, la peur, le châtiment, la récompense. C’est une pratique répandue dans le
monde entier. Sous des gouvernements tyranniques, on vous force à travailler ensemble
de manière brutale : si vous ne « coopérez » pas, vous êtes liquidé ou envoyé dans un
camp de concentration. Dans les pays prétendument civilisés, on vous incite à travailler
ensemble grâce au concept de patrie, ou au nom d’une idéologie très soigneusement
élaborée et largement propagée pour que vous l’acceptiez ; ou bien vous travaillez
ensemble pour faire aboutir un projet conçu par d’autres, un programme visant à l’utopie.

C’est donc le projet, l’idée, l’autorité qui incitent les gens à travailler ensemble. C’est cela
qu’on appelle en général la « coopération », et le terme sous-entend toujours la notion de
châtiment ou de récompense, ce qui signifie que derrière cette « coopération » se cache la
peur. Vous travaillez toujours pour quelque chose, pour le pays, pour le roi, pour le parti,
pour Dieu ou le Maître, pour la paix, ou pour mettre en oeuvre telle ou telle réforme. Votre
idée de la coopération, c’est de travailler ensemble en vue d’un résultat particulier. Vous
avez un idéal édifier l’école parfaite, ou que sais-je encore auquel vous travaillez, et vous
dites donc que la coopération est nécessaire. Tout cela implique l’intervention d’une
autorité, n’est-ce pas ? Il y a toujours quelqu’un censé savoir ce qu’il convient de faire, ce
qui vous amène à dire : « Nous devons coopérer à l’exécution du projet. »

Je n’appelle pas cela de la coopération, mais alors pas du tout ! Loin d’être de la
coopération, c’est une forme d’avidité, une forme de peur, de coercition, dissimulant une
menace : si vous refusez de coopérer, le gouvernement ne vous reconnaîtra pas, ou bien
le plan quinquennal va échouer, ou bien on va vous envoyer dans un camp de
concentration, ou bien votre pays va perdre la guerre, ou bien vous risquez de ne pas aller
au ciel. Il y a toujours un argument de persuasion, et dans ce cas il ne peut y avoir de
coopération réelle.

Lorsque vous et moi travaillons ensemble simplement parce que nous nous sommes mis
d’accord pour effectuer une tâche, ce n’est pas non plus de la coopération. Dans tout
accord de ce genre, ce qui compte c’est l’accomplissement de la tâche, pas le travail en
commun. Vous et moi pouvons être d’accord pour bâtir un pont, ou construire une route,
ou planter des arbres ensemble, mais dans cet accord il y a toujours la peur du désaccord,
la crainte que je ne fasse pas ma part de travail et ne vous en laisse effectuer la totalité.

Lorsqu’on travaille ensemble suite à une forme quelconque de persuasion ou en vertu
d’un simple d’accord, ce n’est pas de la coopération, car derrière tous les efforts de ce
type se cache la volonté de gagner ou d’éviter quelque chose.
Pour moi, la coopération est tout autre chose. C’est le plaisir d’être et de faire ensemble
mais pas forcément de faire une chose en particulier. Comprenez-vous ?

Les jeunes
enfants ont normalement cet instinct d’être et de faire ensemble, l’avez-vous remarqué ?

Ils sont prêts à coopérer à tout. Il n’est pas question d’accord ou de désaccord, de
châtiment ou de récompense : ils ont seulement envie de se rendre utiles. Ils coopèrent
instinctivement, pour le plaisir d’être et d’agir ensemble. Mais les adultes détruisent cet
esprit de coopération naturel et spontané chez les enfants en disant : « Si vous faites telle
chose, je vous récompenserai ; si vous ne faites pas telle chose, vous n’irez pas au
cinéma », ce qui introduit un élément corrupteur.

La coopération authentique ne naît donc pas simplement d’un accord visant à réaliser un
projet commun, mais de la joie, du sentiment d’unité, si l’on peut dire ; car dans ce
sentiment n’entre pas l’obstination de la conception personnelle, de l’opinion personnelle.

Quand vous saurez ce qu’est cette coopération-là, vous saurez aussi quand il faut refuser
de coopérer, ce qui est tout aussi important. Vous comprenez ? Nous devons tous éveiller
en nous cet esprit de coopération, car ce ne sera pas alors un simple projet ou un simple
accord qui nous poussent à travailler ensemble, mais un extraordinaire sentiment d’unité,
une sensation de joie à être et à agir ensemble hors de toute notion de châtiment ou de
récompense. Ce point est très important. Mais il est tout aussi important de savoir quand il
faut dire non ; car nous risquons, par manque de discernement, de coopérer avec des
gens malavisés, avec des leaders ambitieux porteurs de projets grandioses, d’idées
fantastiques, comme Hitler et d’autres tyrans qui sévissent depuis la nuit des temps. Nous
devons donc savoir quand refuser de coopérer ; et ce n’est possible que si nous
connaissons la joie de la véritable coopération.

Il est important de discuter ensemble de cette question, car lorsqu’on nous suggère de
travailler en commun, votre réaction immédiate risque d’être : « Pour quoi faire ?

Qu’allons-nous faire ensemble ? » Autrement dit, la chose à faire compte plus que le
sentiment d’être ensemble et de collaborer ; et quand la chose à faire le projet, le concept,
l’utopie idéologique prend le pas sur le reste, il n’y a pas de coopération véritable. Nous ne
sommes plus liés alors que par l’idée ; et si une idée peut nous lier, une autre peut nous
diviser. Ce qui compte, c’est donc d’éveiller en nous-mêmes cet esprit de coopération, ce
sentiment de joie et d’action commune, hors de toute considération de châtiment ou de
récompense. La plupart des jeunes ont cet esprit-là, spontanément, librement, à condition
qu’il ne soit pas corrompu par leurs aînés.

JK - Coopération et partage. Le sens du bonheur





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